Cycle de conférences Sorbonne Université « It’s better to speak »: les scientifiques face à Gaza
Infos pratiques
🗓️ Samedi 7 juin 2025
🕘 9h – 18h
📍 Sorbonne Université, Amphi Descartes, amphi G. Molinié - Maison de la Recherche, 28 rue Serpente, 75006 Paris.
📋 Programme de la journée ici.
📌 Inscription à la journée ici.
📚 Bibliographie des références citées ici.
Pour cette dernière rencontre de l’année 2024-2025 du cycle « It’s better to speak » : les scientifiques face à Gaza, nous souhaitons rassembler toutes les personnes, groupes et collectifs, formels ou informels, qui, depuis plus de 18 mois, s’engagent à rétablir la vérité, à dénoncer le génocide du peuple palestinien et à interroger ce que Karine Lamarche et Nitzan Perelman nomment le « sens commun politico-médiatique » (Yaani, 2025).
Cette journée d'études vise ainsi à réunir celles et ceux qui ont porté, au sein des universités, la lutte contre le génocide en Palestine, le silence institutionnel et la répression des savoirs minoritaires. Nous voulons donner la parole aux acteurs et actrices, individuels et collectifs, qui ont mobilisé leurs connaissances et compétences pour transformer les savoirs en outils de lutte pour la justice sociale et le développement de la conscience critique.
Dans une perspective décoloniale et féministe, nous réaffirmons que les savoirs ne sont jamais neutres mais, au contraire, toujours situés et positionnés. Dans une période historique telle que celle que nous vivons, marquée par une répression des libertés d’expression inédite, les universités et les universitaires sont appelé·es à prendre position et à s’engager pour ce droit fondamental et de promouvoir des connaissances capables d’éclairer et d’outiller la compréhension critique.
La journée s’articule autour de trois espaces pour penser, dénoncer et créer :
Nous invitons les individus, groupes, et collectifs, formés par le personnel universitaire ainsi que les comités ou collectifs étudiants à se manifester pour participer à la journée d’études via le formulaire ici.
Les contributions prendront la forme de tables rondes pour faciliter les échanges et pour permettre au plus de monde possible d’intervenir.
La journée d’études est en présentiel mais des interventions peuvent être prévues en visio.
Les espaces d’énonciation du paradigme décolonial, déjà restreints au sein de l’université française, sont devenus très contraints, voire quasi inexistants dans le cadre des études sur Israël-Palestine. Dans un contexte de censure de plus en plus institutionnalisé, continuer une recherche critique sur Israël et la Palestine est devenu aussi crucial que périlleux.
L’enjeu n’est plus seulement de lutter pour faire entendre les voix minoritaires au sein de l’université, mais également de garantir les conditions nécessaires pour que de nouvelles voix s’élèvent. Ce forum a pour objectif de rassembler les étudiants et étudiantes en L3, M1, M2, en réflexion ou en début de doctorat qui veulent mener ou continuer des recherches en sciences humaines et sociales sur les espaces israélo-palestiniens. Stéphanie Latte Abdallah a forgé le concept de futuricide pour décrire la guerre coloniale totale menée par l’Etat israélien contre les Palestinien·nes (Gaza, une guerre coloniale, 2025). Notre journée d’études a pour but de réfléchir au futur de la recherche décoloniale en France et au maintien de liens intellectuels et solidaires avec les étudiant·es et chercheur·ses de/en Palestine.
Le forum étudiant est pensé comme un espace de questionnement et de doute, d’échanges d’expérience, mais aussi d’outils pour défendre l’importance de mener des terrains en Palestine-Israël et la légitimité du paradigme décolonial (settler colonial studies, bibliographie critique).
Les comités Palestine s’organisent en espaces de résistance académique, dans un contexte où les voix critiques sont de plus en plus réprimées au sein des universités françaises. Composés d’étudiant·es mobilisé·es pour Gaza, ces comités transforment leurs actions militantes — lettres ouvertes, pétitions, motions — en dispositifs de production et de circulation de savoirs situés.
La marginalité constitue un espace d’énonciation capable de renverser le silence imposé par les institutions (hooks, 1984). Les comités Palestine politisent l'espace universitaire, en révélant des structures de pouvoir en place et en affirmant la légitimité de savoirs résistants. Les espaces militants dépassent la simple dénonciation pour devenir des lieux d’apprentissage où la production de savoirs s’enracine dans les luttes sociales en rejoignant ainsi la pensée de Paulo Freire (1968) sur la pédagogie des opprimé·es. Ici, les comités Palestine transforment leurs expériences de mobilisation en terrains d’enquête, créant des formes de recherche situées à partir des résistances quotidiennes au génocide.
La production de savoirs critiques est une forme d’action directe contre l’oppression institutionnelle, un geste de réappropriation des espaces académiques (Springer, 2018 ; Borghi, 2021). Leanne Betasamosake Simpson (2017) rappelle que la production de savoirs militants est indissociable des récits de résistance, des mémoires marginalisées et des luttes territoriales. Les comités Palestine incarnent cette dynamique : ils refusent la « neutralité » institutionnelle pour faire de leurs actions des lieux d’énonciation critique, où les actes de résistance deviennent des sources d’apprentissage collectif au sein des espaces universitaires. En ce sens, leurs pratiques s’inscrivent dans une tradition de production de savoirs militants qui, loin d’être périphériques, redéfinissent le centre à partir des marges.
D’après Ruba Salih (2024), la parole palestinienne est non seulement délégitimée mais activement neutralisée par les institutions académiques occidentales. Dans ce contexte, les comités Palestine vont au-delà de la production de savoirs situés : ils résistent également à la marchandisation des universités, qui contribue à cet effacement en privilégiant des récits conformes aux intérêts institutionnels (Federici, 2009). Les comités transforment leurs espaces militants en lieux de production de savoirs alternatifs, où les récits des opprimé·es deviennent des contre-discours face à l’invisibilisation épistémique.
Ibrahim Rabaia et Lourdes Wabash (2024) montrent que la logique d’épistémicide décrite par Grosfoguel (2013) s’incarne concrètement à Gaza, où la destruction des infrastructures éducatives relève d’une stratégie délibérée visant à effacer le tissu intellectuel palestinien. Leur concept d’« éducide » désigne ces attaques contre les universités comme des actes de guerre contre la mémoire intellectuelle, inscrivant la violence coloniale dans une dynamique de disparition des savoirs. Les comités Palestine, en produisant des contre-discours militants, refusent cet effacement épistémique en inscrivant leurs luttes dans une perspective décoloniale, à la fois locale et transnationale. Ce travail d’énonciation critique devient ainsi un acte de résistance contre la colonialité du savoir, un geste de réappropriation de l’espace académique, en rupture avec les récits normatifs imposés par les institutions occidentales.
Omar Alsoumi (2025) réinterprète le savoir comme un commun précieux, un outil de résistance capable de relier des luttes disparates. Les comités Palestine, en documentant leurs actions militantes, inscrivent leurs récits dans cette logique de mise en commun. Si leurs pratiques restent ancrées dans le contexte universitaire français, elles participent aussi à une trame de production de savoirs transnationale, reliant leurs luttes locales aux récits de résistance palestinienne tout en refusant l’effacement de ces voix.
En réunissant des membres de différents comités Palestine, cette session propose de repenser les lettres, pétitions et dossiers de motion comme des formes d’archives vivantes, des espaces où la production de savoirs militants devient un acte de résistance contre l’« educide » et la colonialité du savoir, où le militantisme devient une méthode d’élaboration de savoirs critiques, réinscrivant les récits minorisés au cœur des savoirs situés.
📍 Sorbonne Université, 1 Rue Victor Cousin, 75005 Paris, France